mercredi 8 octobre 2014

Isabelle Saporta : Vino tristesse

Le vin a un privilège, il fait parler de lui, tout le monde a son avis sur la question, surtout en France.
Le dernier opus en date a été diffusé hier soir sur France 3.
Que penser de cette vision du monde du vin dans le bordelais et en bourgogne? Je vous avoue, je n'en sais rien. Je connais tous les protagonistes présents dans ce documentaire, je ne peux donc imaginer comment ce film a pu être reçu par le français moyen qui ne connaît ni les tenants ni les aboutissants de ce petit monde.
Pour ma part, je peux en démonter les contre vérités et les petites manipulations.
Si les personnages présentés dans ce film sont tous bien réels, la réalisatrice leur a assigné des rôles télégéniques pas toujours en prise avec la réalité.
Quant aux investisseurs qui s'accapareraient à prix d'or le foncier au détriment des gentils autochtones, s'est un fait. Mais regardons plus loin que le bout de notre nez, ou de nos idées politiques. Le premier danger qui menace nos terroirs aujourd'hui est la pression foncière des villes. Dans les  appellations où le foncier viticole n'a pas atteint les prix de Pomerol, nos meilleurs terroirs partent en terrains à bâtir. Ceci à moins de 15 km de Pomerol, j'aurais aimé que dans sa défense d'une viticulture de tradition, madame Saporta dénonce ce fait, cette disparition de nos terroirs pour faire des lotissements sans aucun caractère.
Et même, elle aurait pu se réjouir que les prix du foncier à Pomerol soit aussi élevé, protégeant là même ces terroirs de la spéculation immobilière de la ville de Libourne toute proche. Et je peux affirmer ici que si l'ha de Pomerol était au même prix que celui de l'Entre deux Mers, l'appellation aurait perdu 30% de ses surfaces depuis 2000.
Egalement comment juger la manière dont est présenté l'art de l'assemblage à Bordeaux comme de l'alchimie. C'est de l'ignorance madame Saporta, à Bordeaux depuis les origines, les vins de châteaux sont issus d'assemblages de plusieurs cépages. Cela est parfaitement légal et ne relève d'aucune manipulation mais de l'histoire séculaire bordelaise. Alors la moindre des choses pour une enquêtrice est de se documenter. En bourgogne, par contre, chaque clos ou cru est bien issu d'un seul cépage non assemblé. Mais les cultures bordelaises et bourguignonnes sont différentes.
Enfin, madame Saporta se veut défendre les petits, les sans grades. En 2013, un cataclysme s'est abattu sur le vignoble bordelais à moins de 10 km des endroits arpentés par l'équipe de madame Saporta : la grêle. Elle aurait alors pu faire quelques kilomètres pour aller se rendre compte de la dure réalité de la viticulture, et sortir d'une vision romantique passéiste parisienne.
Elle aurait vu des vignerons pleurer, comme je l'ai vu, devant leurs vignes ravagées, se demandant comment ils allaient s'en sortir. Mais non, madame Saporta préfère poursuivre son idée : dénoncer une culture polluante qui abuse de produits phytosanitaires, jetant l'opprobe sur toute une filière qui génère 2 milliards d'euros de balance positive pour notre balance commerciale. Pourquoi par là même ne pas dénoncer aussi la pollution générée par nos Airbus, qui rapportent autant au pays que le vin.
Mais ces bons sentiments de protection du consommateurs oublient une réalité essentielle mais évidemment inconnue de ceux qui ne connaissent pas les réalités du travail de la vigne : la grande difficulté de trouver des ouvriers viticoles dans un pays qui connait pourtant plus de 10% de chômage. Car oui, madame, et malgré toute la bonne volonté des vignerons qui voudraient se passer de pesticides en viticulture bio, il est aujourd'hui très difficile de trouver des gens qui acceptent de revenir aux pratiques que vous jugez comme un retour rêvé à la tradition. Sans compter qu'il faut aussi expliquer aux consommateurs que s'ils veulent des vins plus respectueux de l'environnement, il va falloir qu'ils acceptent de les payer un peu plus chers que les 3.5 euros, prix moyen d'une bouteille à Bordeaux.
Alors madame, quand on s'attaque à un sujet, il vaut mieux le potasser avant de se laisser guider par des intérêts particuliers, aussi louables soient-ils. Et au lieu de caricaturer l'utilisation des pesticides, vous seriez plus utile en posant intelligemment les enjeux de société et économiques. D'ailleurs cela concerne plus généralement l'agriculture, comme vous l'avez d'ailleurs dénoncé par ailleurs. Mais au final, cela coûtera plus cher au consommateur.
Pour conclure, je citerai Coluche qui dans un de ces sketchs disait :"Alors, comme ça, on nous explique que les bons c'est les pauvres et les méchants c'est les riches? Et pourtant tout le monde veut devenir méchant!"
Allez, encore un effort d'intelligence pédagogique madame, et vos combats seront réellement utiles à nos sociétés, mais pour cela il faut savoir sortir du manichéisme politiquement orienté.
Après Mondovino, je dois vous avouer que j'en ai marre de voir le vin utilisé à des fins de démonstrations politiques plus ou moins fumeuses, le vin mérite bien mieux. Le monde du vin n'est ni plus, ni moins que le reflet de notre société avec ses excès et ses travers. Votre démonstration sociale et politique pourrait tout autant marcher avec le fromage ou les légumes. Alors, s'il vous plait, lâcher nous les grappes! Au final d'ailleurs, on se demande si vous n'avez pas fait ce documentaire à de pures fins de promotion personnelle. On peut dire que de ce point de vue là, vous avez réussi votre coup.
Bien à vous.

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