dimanche 3 novembre 2013

Leçon d'économie

La très sérieuse banque Morgan Stanley prévoit une pénurie de vin dans les années à venir.
Faut-il se réjouir de cela?
Si l'on considère que le prix des matières premières fluctuent en fonction de l'équilibre offre/demande et que les prix montent quand la demande est supérieure à l'offre, alors oui, on peut se réjouir de cela.
Après une décennie de vaches maigres pour les vins d'entrée et de milieu de gamme, voit on enfin le bout du tunnel?
Pas sûr. En effet, les revenus d'une exploitation viticole dépendent du revenu par hectare obtenu en multipliant le prix du litre de vin par le volume produit.
Pour que les prix du litre puissent augmenter, il faut que le pouvoir d'achat des clients augmente dans les mêmes proportions, sinon à pouvoir d'achat constant, les clients achèteront moins de vin avec la même somme, rééquilibrant ainsi offre et demande.
Le seul moyen pour accompagner la demande tout en respectant le pouvoir d'achat des consommateurs est donc d'augmenter les rendements.
Ne rêvons donc pas, le pouvoir d'achat des ménages dans l'ensemble des pays consommateurs n'est et ne sera pas à la hausse, mais bien plutôt à la baisse. La demande croissante de vin ne s'accompagnera donc pas forcément d'une augmentation des prix proposés aux producteurs, elle sera en tout cas limitée et ponctuelle.
Ne pas respecter le principe de réalité nous conduirait donc à un réveil brutal avec perte de nos clients.
L'époque est pourtant favorable à un rééquilibrage du rapport de force en faveur de la production, mais une vision courtermiste serait contre productive pour les producteurs. Attention aux recettes faciles et parfois démagogiques déjà appliquées : distribution de droits de plantation sur des terroirs non adaptés.
Profitons de l'époque pour adapter, au moins à Bordeaux, notre vignoble à ces nouvelles opportunités. Augmentons nos densités de plantation, comme cela est déjà le cas depuis le début des aides à la restructuration, nous pourrons ainsi produire plus par hectare en conservant une qualité minimale nécessaire à nos produits. Les revenus ainsi obtenus par les producteurs augmenteront sans que les clients n'y contribuent.
Attention donc à la tentation du gain immédiat et préférons une vision à moyen terme bien plus payante, surtout dans l'objectif de valorisation de marque.
Profitons de la période qui s'ouvre pour améliorer la valeur de nos marques collectives en consolidant leur position et en évitant la facilité de l'ouverture des vannes à tout va qui nous conduira à terme à une casse certaine de nos vignobles.
Le pire n'est jamais sûr, retenir les leçons du passé ne l'est pas tout autant.
Répondre à l'offre doit donc se faire en augmentant la quantité de vin produite par hectare mais en adaptant nos vignobles par une augmentation des densités de plantation qui nous permettront de maintenir un niveau qualitatif indispensable dans la compétition mondiale.
Le vrai courage politique, c'est dans l'air du temps, serait donc d'accorder des rendements par hectare en fonction des densités de plantation. Mesure difficile à prendre sans doute mais vrai gage de justice et d'égalité des coûts de production et de garanti d'un niveau qualitatif moyen à nos productions mais aussi porteuse de sens sur le long terme.