vendredi 17 mai 2013

Agence de notation et nouvelle utopie

Robert Parker fait la couverture du magazine Terre de Vins et dit tout.
Je vous renvois à mon article "un classement pour l'histoire" sur le nouveau classement de Saint Emilion.
J'y constatais l'entrée de la logique financière dans le marché des crus classés. Même fonctionnement : agences de notation, spéculation, bulle. Tout cela nous écarte bien du terroir, qui devait être à l'origine le juge de paix de classification des vins . Mais il est vrai que la valeur pécunière d'un vin est bien plus facile à classer que sa qualité, sa finesse, sa typicité, valeurs bien plus subjectives qu'un simple prix.
La lecture de l'interview de monsieur Parker conforte mon analyse. Il y explique en effet la vente de sa lettre "The Wine Advocate" à une société de Singapour. Il décrit les acquéreurs de sa lettre de la façon suivante : "Ces investisseurs ne sont pas impliqués dans le marché du vin mais tous sont impliqués dans la finance internationale et sont soit propriétaires, soit actionnaires majoritaires dans le secteur des activités de banque et/ou d'investissement."
Je crois qu'il n'y a rien à rajouter, tout est dit et confirme mon analyse du classement de Saint Emilion. Ce choix de monsieur Parker confirme bien qu'il a créé la plus grande agence de notation du monde du vin.
Attention, il n'y a aucun jugement de valeur dans ce constat. Mais quand on voit les effets de la finance dans d'autres secteurs d'activité, on est en droit de se poser quelques questions sur les conséquences à moyen terme de la vente de la lettre de monsieur Parker à ce monde là. Regardons les conséquences de l'apparition des paris sportifs sur le comportement de certains d'entre eux. La tentation de gains mirobolants perverti parfois les éthiques les plus pures.
Monsieur Parker réarffirme dans son interview sa rigueur morale et son indépendance vis à vis des puissances d'argent. Je pense qu'il est sincère, mais qu'en sera t-il après lui des personnes qui lui succèderont?
Certains vins sont devenus des placements financiers, et il existe aujourd'hui des bureaux qui vous proposent de gérer votre argent en placement vin. En tant qu'amateur de vin, cela m'inquiète pour ma capacité future à pouvoir accéder aux meilleurs de nos crus, qui ne seront que des lignes dans les bourses mondiales que l'on achètera ou vendra au gré de leurs cours, mais que l'on ne boira plus. Il s'agit en quelque sorte d'une confisquation de nos meilleurs terroirs. Pour ceux qui pensaient qu'ils n'étaient pas délocalisables, c'est en partie faux.
Ne faudrait-il pas confier la hiérarchisation des crus à la monastique, comme le firent en leur temps les moines bourguignons, plutôt qu'à la haute finance internationale? Utopie bien sûr.

Mais, heureusement, il existe encore des vignerons dont la raison de vivre est de s'occuper de leurs vignes et de sa production. Ils n'intéressent pas la haute finance car leurs vins ne sont pas spéculatifs. C'est une bonne nouvelle, ils nous restent ainsi accessibles.

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